Depuis le 26 janvier de cette année, les Clionautes n’ont eu de cesse d’alerter sur le « naufrage » de la formation des enseignants. Nous avons usé et peut-être abusé de cette métaphore qui n’en était pas moins exacte. Nous parlerons de désastre désormais.
De façon dispersée, dans différentes universités, de nombreux textes ont été produits qui s’élevaient, en substance, contre les mêmes travers. Le niveau d’exigence attendu pour recruter des professeurs dans le second degré est très clairement revu à la baisse.
Par ailleurs la crise sanitaire avec la suppression de l’oral en 2020 a plutôt aggravé les choses car l’entretien de titularisation, après une année d’enseignement comme stagiaire, se retrouve quasiment à l’identique dans les nouvelles épreuves de ce CAPES au rabais.
Désastre sur les savoirs disciplinaires
Acteurs depuis deux décennies de la réflexion collective sur les pratiques enseignantes en histoire et en géographie, les Clionautes tiennent à préciser les points suivants :
- Il ne peut y avoir de professeurs compétents et efficaces dans nos disciplines d’enseignement sans une formation scientifique de haut niveau, évaluée dans les conditions d’exigence d’un concours.
Dans le décret du 25 janvier 2021, une seule matière sera évaluée.
- L’enseignement dans les classes du second degré ne saurait se limiter à une activité de répétition de fiches toute prêtes par des enseignants qui ne connaîtraient que les programmes scolaires du moment.
Pourtant, c’est ce qui est prévu à brève échéance, avec des questions mises au concours qui seraient en étroite relation avec les programmes du second degré.
Cela va à l’encontre des évolutions scientifiques de l’histoire et la géographie qui visent à élargir les horizons et permettre la compréhension du monde.
- Un professeur d’histoire et de géographie dans le second degré doit pouvoir continuer à approfondir sa maîtrise scientifique des disciplines qu’il enseigne.
Le décret du 26 janvier 2021, en différenciant le CAPES et l’agrégation constitue un frein majeur à cette ambition. Le financement par les étudiants d’une année de préparation supplémentaire représente très clairement un obstacle social.
- L’épreuve orale d’admission comportera une épreuve spécifique dont les contours sont à la fois flous et précis. Comment évaluer à partir d’un CV ? Sur la base de quels critères ?
La connaissance des « valeurs de la république », comment sera-t-elle mesurée ? Cette notation « au doigt mouillé » ne pourra qu’entraîner la suspicion et favorisera l’hypocrisie à propos d’un discours formaté.
Désastre sur la formation
La formation des professeurs stagiaires sera littéralement bradée. Le décret du 26 janvier prévoit 12 semaines de stage auxquelles viendront s’ajouter un service à temps plein et la rédaction de mémoires divers dont l’utilité échappe. La préparation au concours se limitera au survol des manuels de circonstances sur les différentes questions.
Nos collègues de l’enseignement supérieur mesurent déjà les conséquences de la baisse du niveau d’exigence largement entamée dans les scolarités antérieures. Le décret du 26 janvier 2021 ne fera que confirmer cette tendance en faisant peser sur les universités elles-mêmes l’organisation de ces Master d’enseignement, sans moyens supplémentaires.
Ce qui est en jeu aujourd’hui, par-delà la question du concours, c’est la remise en cause de l’indépendance du professeur, qui, une fois réduit au statut de contractuel, sera un simple exécutant, formé à minima, et soumis à une forme de précarisation dans le cadre d’un management opaque.
Cela ne fera qu’accentuer les difficultés majeures que l’éducation nationale connaît au profit d’une offre de formation privée en quête de nouvelles niches de rentabilité.
Ainsi les valeurs de la république que l’on ose promouvoir dans une épreuve du concours seront alors clairement bafouées !