C’était une des publications de l’été et elle était attendue. La médiatrice de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, Catherine Becchetti-Bizot, a rendu mi-juillet son rapport annuel d’activités et il est édifiant, comme d’habitude. Dans l’association, nous suivons de près tout ce qui permet d’avoir une vision distancée et sérieuse de la réalité du terrain. Ce que nous propose la médiatrice est une plongée dans l’univers quasi infini du contentieux entre l’école de nos décideurs, les rectorats, les enseignants et personnels, les élèves et les familles.

Catherine Becchetti-Bizot intercale même des extraits des textes d’origine des saisines, ce qui présente un intérêt documentaire remarquable pour mieux cerner les immenses décalages entre usagers, personnels et administration.

« Faire alliance, redonner confiance »

Le titre du rapport 2023 témoigne d’une ambition récurrente de rapport en rapport : résorber la coupure de plus en plus marquée entre l’école, les élèves et leurs familles. C’est dire à quel point l’ « école de la confiance » voulu par Jean-Michel Blanquer n’a jamais fonctionné. Le nombre de saisines est en constante augmentation : plus de 18 000 en 2023, soit une hausse de 42% depuis cinq ans ! On peut toujours se rassurer en évoquant un biais statistique : la médiation est de plus en plus connue et se trouve donc de plus en plus sollicitée. Dans tous les cas, l’évolution des types de saisines, ainsi que la tonalité réellement dramatique des courriers adressés à la médiatrice montrent bien l’ampleur du problème. Près de 80% des courriers sont des réclamations (dont le quart vient des personnels).

La bonne nouvelle du rapport est que la médiation est une institution réactive : un traitement sous trois mois dans 90% des cas, ce qui est agréable dans une administration devenue très largement injoignable. Rares sont les rectorats qui répondent au téléphone ou qui acceptent la visite sans rendez-vous. Le covid et le contexte sécuritaire ont eu bon dos. Le simple fait de répondre et de répondre dans un délai raisonnable est un réel bon point.

Les autres chiffres montrent que la médiation soutient les demandeurs dans plus de la moitié des cas et que son action est suivie de résultats favorables dans 78% des cas.  Pour relativiser le taux moyen de soutien accordé aux demandes reçues, 20% des saisines ne sont pas réellement des demandes d’intervention : il s’agit plutôt de se faire entendre et d’informer. Ce qui se joue en creux, c’est aussi la lisibilité de l’information délivrée par l’Éducation nationale et en l’occurrence, son illisibilité pose problème.

Bilan statistique des saisines

Pour les personnels

Sans surprise, les demandes d’intervention concernent prioritairement les questions financières (30%), le déroulement de la carrière (20%), les affectations-mutations (15%), les relations professionnelles type harcèlement, discrimination et protection juridique (13%), le recrutement (11%), etc.

Il serait temps que l’Éducation nationale prenne à bras-le-corps la question de la qualité de vie au travail, très dégradée depuis des années et qui participe autant à l’impopularité de nos métiers qu’au découragement de tous les personnels. On ne peut pas aligner rapports, bilans et enquêtes sans qu’à un moment la responsabilité de l’État et de ses hauts dirigeants ne soit posée. On constate d’ailleurs que tout ce qui a été prétendument fait pour améliorer la condition enseignante est très largement un échec, que le mal est tellement installé qu’il déborde du cadre des seuls enseignants. On pourrait aussi parler des infirmières, des personnels de vie scolaire, de l’accompagnement du handicap, etc. Nous avions également déjà évoqué dans d’autres éditos le blues des chefs d’établissement et des corps d’inspection. Bref, c’est général, endémique et pour l’instant sans solution.

Pour les élèves et les familles

Pour les usagers, les demandes se répartissent dans quatre grands pôles à peu près équivalents : les conflits dans l’établissement, les affectations (carte scolaire, enseignement supérieur), les examens et concours et, dans une moindre part, les questions financières et sociales. On ne peut qu’être alerté par la recrudescence des demandes liés à des conflits, en hausse de 100% en cinq ans ! Par contre, point positif, les demandes liées à Parcoursup déclinent : elles ont baissé de moitié en trois ans. Pour les examens et les concours, les demandes concernent majoritairement les notes : nous y reviendrons.

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