La réforme annoncée ce 28 mars par François Bayrou, et confimée par Elisabeth Borne reprenant des éléments déjà esquissés l’an dernier par les précédents ministres de l’éducation nationale, semble aller dans une bonne direction.

Ce que change concrètement la réforme

Voici les principaux points annoncés de la réforme :

  • Création d’une licence professorat des écoles (LPE) dès 2026, avec formation pluridisciplinaire, stages dès la L1 et premiers apports en pédagogie et didactique.

  • Mise en place de modules de préparation aux concours dans les licences disciplinaires dès 2025 (CRPE, CAPES…).

  • Concours accessible dès bac +3 à partir de 2026, avec :

    • Pour le CRPE : écrits en français/maths + autres disciplines ; oraux sur les disciplines, l’EPS et la motivation.

    • Pour les concours du second degré : épreuves écrites disciplinaires, oraux avec exposé et entretien.

  • À partir de 2028, les titulaires de la LPE seront dispensés des écrits du CRPE.

  • Après le concours : un master en deux ans avec rémunération progressive (élève-fonctionnaire en M1, stagiaire en M2).

  • Le mémoire de recherche est remplacé par un mémoire de stage centré sur la pratique.

  • La formation en master renforce la didactique et les savoirs disciplinaires, avec des stages progressifs et un tutorat.

Cette réforme est clairement faite dans une volonté de susciter des vocations dès le lycée, en donnant une meilleure visibilité au parcours de formation. Et assume une inspiration des anciennes écoles normales, avec un accompagnement plus progressif vers le métier.

Réformer la formation : une nécessité que nous constations depuis longtemps

Au sein du Comité, nous avons des expériences de tuteurs, formateurs, etc., nous avons pu constater à quel point le système actuel de formation, en particulier pour le second degré, est non seulement inefficace, mais aussi profondément injuste pour les étudiants.

Aujourd’hui, on demande à ces futurs enseignants de tout faire en même temps :

  • préparer des questions scientifiques souvent très pointues,
  • enseigner devant des classes sur des sujets qui n’ont rien à voir avec les sujets de concours,
  • suivre des cours très théoriques sur la pédagogie,
  • mener des expérimentations en didactique et rédiger un mémoire,
  • et s’adapter sans cesse à de nouvelles injonctions sur le numérique, l’interdisciplinarité ou encore l’inclusion.

Résultat : une formation illisible, surchargée, et souvent contre-productive.

Dans ce contexte, l’idée d’un concours en fin de licence, suivi de deux années de master réellement centrées sur la formation professionnelle et didactique, apparaît comme une voie de clarification salutaire.

Des points de vigilance incontournables

Mais plusieurs questions essentielles restent en suspens, et le ministère devra y répondre rapidement pour donner de la clarté à cette nouvelle architecture

  • Quelles seront les modalités du concours en Histoire-Géographie ? Est-ce que le système actuel (trois questions en Histoire, trois en Géographie) sera maintenu ? Ou bien un autre format – potentiellement plus synthétique ou généraliste – sera-t-il adopté avec le passage du concours à bac+3 ?
  • Quelle formation disciplinaire dans le master MEEF nouvelle génération ? Là encore, il faudra s’assurer que l’exigence scientifique reste au cœur de la formation des enseignants, en particulier en histoire et géographie. Il serait dangereux d’imaginer que les professeurs d’histoire-géographie n’aient plus, en master, un temps de formation solide, exigeant et actualisé sur les savoirs disciplinaires en lien direct avec les programmes scolaires. Former des enseignants, ce n’est pas seulement leur transmettre des compétences pédagogiques : c’est aussi renforcer leur culture scientifique, leur capacité à penser et à transmettre l’histoire et la géographie de manière rigoureuse et critique.
  • Et quid de la rémunération des maîtres de stage et tuteurs ? Sur eux repose une part essentielle de l’accompagnement. Sans leur engagement, nos stagiaires seraient déjà bien souvent en grande difficulté devant leurs classes. Cette réforme ne pourra réussir sans une reconnaissance claire – y compris financière – de leur rôle.
  • Comment articuler cette nouvelle formation avec l’année de titularisation (FS100) ? Aujourd’hui, les retours des stagiaires sont clairs : redondances, répétitions, décalages avec leurs besoins réels sur le terrain. Si les deux années de master intègrent déjà une formation professionnelle conséquente, il faudra repenser le rôle du FS100 pour éviter que cette dernière étape ne soit perçue comme une énième année de théorie inutile.
  • Enfin, que deviendra un étudiant admis au concours mais qui échouerait à valider son master ? Sera-t-il titularisable ? Recalé ? En voie d’abandon ? Ces cas limites doivent être anticipés.

Réussir la réforme : une responsabilité collective

Nous resterons attentifs à sa mise en œuvre. Car si nous voulons redonner envie d’enseigner, il faut avant tout redonner du sens à la formation, du temps pour apprendre, et de l’exigence là où elle est nécessaire.

 

Dossier de présentation de la réforme de la formation initiale des professeurs