Lyon, le 7 juillet 2015
Un soleil de plomb, un sirocco dévastateur… Je suis à Lyon et je dois rencontrer Michel Lussault, président du CSP et géographe de renom que j’avais rapidement croisé en 2013 au Festival de Géographie de Saint-Dié ; il participait avec Jacques Lévy au Salon du livre et dédicaçait plusieurs ouvrages…
Soleil de plomb, il est 10 h 30 et mon entrevue est prévue à 16 h30. Que fait un géographe pour combler le temps ? De la géographie : il observe, il parcourt les rues, il s’imprègne de l’atmosphère, cherche un point haut…et tente de se réfugier à l’ombre.
De la place Bellecour, je gagne Fourvière en traversant la Saône sur le pont Bonaparte, emprunte la « ficelle » (le funiculaire) pour gagner la Basilique et son esplanade. Une vue extraordinaire sur Lyon légèrement embrumée par les chaleurs du mois de juillet. Le début de l’après-midi s’écoule doucement à l’ombre : déjeuner dans un bouchon, recherche d’un endroit pour prendre une douche. Impossible à Lyon.
16 h00 et après une dizaine de minutes de métro, j’arrive dans le nouveau quartier de la Confluence, ancienne zone industrielle et portuaire reconvertie en espace de culture et de loisirs. Le contraste est surprenant après avoir parcouru le vieux Lyon. L’École Normale Supérieure des Lettres se dresse devant moi. L’accueil est charmant, l’ambiance entre travail et décontraction : café, verre d’eau à volonté, sourires… Bientôt Michel Lussault vient gentillement m’accueillir. La discussion durera une heure environ. De nombreux sujets sont abordés.
Les échanges
A partir du rapport d’une trentaine de pages proposant des pistes de travail concernant la Géohistoire (voir les pièces jointes), nous avons abordé divers sujets :
L’intégration de thèmes de Géohistoire dans les nouveaux programmes. Il est apparu à M. Lussault difficile de changer les programmes qui sont aujourd’hui en voie d’achèvement. En revanche il a envisagé d’ouvrir une porte à la Géohistoire pour les enseignants souhaitant suivre cette expérience, dans le cadre de la liberté pédagogique que les programmes de collège souhaitent développer. A ce titre, je lui ai demandé s’il ne serait pas souhaitable de créer des formations portant sur la Géohistoire.
La place des TICE dans les nouveaux programmes.Après avoir analysé le rôle des nouvelles technologies dans les programmes à travers différents exemples de terrain à la fois comme enseignant et comme formateur DAFPEN (dont certains évoqués dans le rapport), Michel Lussault a abordé la question de la place des TICE dans les programmes et précisé l’importance de les intégrer pleinement dans les cours.
L’élève-acteur et sa place face à l’ordinateur : dans le rapport, nous avons insisté sur l’importance de l’élève comme acteur. Pour cela j’ai précisé que les TICE sont d’excellents outils permettant une meilleure appropriation des connaissances. D’autre part, j’ai souligné l’importance de montrer aux nouvelles générations que l’ordinateur est un outil de travail et pas seulement un instrument ludique.
La formation des enseignants à l’outil informatique. J’ai évoqué le désarroi de certains collègues face à l’utilisation de l’ordinateur et l’importance de les accompagner à la fois à travers les programmes et en proposant des formations.
Dans l’avenir proche une collaboration avec les Clionautes est envisagée notamment sur les futurs programmes de lycée.
La géohistoire dans les nouveaux programmes d’histoire-géographie – Les propositions des Clionautes
Passer de l’Histoire et Géographie à la Géohistoire
Les principes de base
1 – Associer résolument l’histoire et la géographie, et non les traiter séparément l’une de l’autre
2 – Donner aux élèves les outils nécessaires pour comprendre le monde dans lequel ils vivent, sans se restreindre à leur environnement proche ou national ;
Objectif : leur permettre de mieux comprendre les autres sociétés (au lieu d’en avoir peur, par réflexe) et de mieux s’approprier le monde comme environnement devenu plus familier (« ancrage citoyen »)
Cette démarche s’insère parfaitement dans la politique actuelle de l’après-7 janvier, qui consiste à renforcer les liens dans la société (le sentiment de communauté), ce qui ne peut se faire qu’en étant conscient de ce qui constitue la spécificité de cette même société (ou des sociétés) auxquelles on appartient : France, Europe, pays d’origine, etc.
3 – Baser le travail sur des études de cas, en croisant les différentes échelles
Objectif : comprendre son environnement familier (« ancrage territorial »), par comparaison avec d’autres environnements qui le sont moins (que les élèves pourront être appelés à fréquenter ponctuellement, à l’occasion de vacances, d’activités de formation ou professionnelles, ou d’émissions, de documents…) ;
4 – Travailler en « boucle », c’est-à-dire reprendre un même thème d’une année à l’autre, mais en changeant l’angle d’attaque
Objectifs : mieux comprendre l’espace et la période considérée en variant les approches ; permettre aux élèves de réinvestir et rafraîchir leurs connaissances, et ainsi les aider à mieux se les approprier, se départir de l’européano-centrisme et du « roman » national (et européen)
5 – Utiliser (et donc se familiariser avec) les notions, concepts et outils de la géographie et de l’histoire : espace, territoire, milieu, modélisation, échelle,chronologie, mémoires… Ces éléments seront assimilés progressivement et avec efficacité car ils seront réutilisés et enrichis en permanence
6 – Utiliser des outils permanents de référence qui serviront à structurer l’esprit des élèves : une frise chronologique générale et un planisphère interactif, sur lesquels les élèves reporteront les éléments essentiels des études de cas réalisés (lieux, personnages, événements…)
Objectif : structurer l’esprit des élèves, tout en donnant du sens aux espaces et aux périodes considérés (« j’associe tel espace ou telle période à tel thème, et je comprends comment il fonctionne »)
7 – Pas de programme niveau par niveau mais un programme par cycle (avec des objectifs de connaissances, de compétences), de façon à laisser aux enseignants la plus grande liberté pour atteindre les objectifs finaux en fin de cycle.
8 – Partir au maximum des interrogations des élèves, spontanées (choses vues, actualité… : pédagogie dite « naturelle ») ou provoquées (visite, document…), motifs à entrer dans un dispositif de recherche pour les aider à comprendre leur environnement
Objectif : travailler sur le sens
9 – Travail en interaction nécessaire avec les autres disciplines : physique, SVT, lettres, latin, grec…
Les contraintes
Cette démarche suppose :
- De développer des formations en Géohistoire tant au niveau de l’Université, des classes préparatoires que de la formation continue
- De tenir compte de la mobilité des élèves et des enseignants
- De développer un véritable travail d’équipe entre enseignants d’histoire-géographie, puisqu’il devra être tenu compte des études de cas travaillées précédemment
- Un travail d’équipe avec les autres disciplines, à commencer par une coordination des programmes permettant d’assurer une continuité dans l’élaboration des connaissances et compétences des élèves, avec des outils qu’ils vont concevoir progressivement (par exemple, des ENT compatibles entre établissements et entre cycles)
Dans le dossier remis à Michel Lussault,nous avons souligné que les travaux présentés, s’inscrivaient dans la réforme des programmes de l’école primaire et des collèges et que dans un soucis de continuité et de cohérence, nous lui proposions trois scénarios :
– Un premier scénario classique composé de deux propositions d’aménagements des programmes d’histoire et de géographie accessibles aux adresses suivantes :
– Un deuxième scénario qui est une approche de géographie historique (voir pièces jointes)
Dans ce scénario qui utilise en grande partie la répartition chronologique des programmes classiques, la géographie guide le récit. En sixième par exemple, on passe de la Méditerranée (thème 2) à l’Asie (thème 3) par l’intermédiaire de la route de la soie. Deux outils essentiels, la carte en géographie, la chronologie en histoire sont étroitement liées. A cette occasion, on propose aux élèves de créer de véritables storymaps : raconter l’histoire en s’appuyant sur des cartes, interactives ou nom et en utilisant des logiciels gratuits en ligne.
L’élève est acteur et peut être amené à réaliser des exercices différents comme la construction d’un château-fort, d’un château de la Renaissance, d’une mosquée ou d’une église ; ceci se réalise dans un cadre interdisciplinaire. De plus l’élève s’éveille au monde, à tous les mondes : le programme de géographie historique est combiné avec des questions classiques de géographie : la riziculture lorsque l’on aborde la civilisation du riz ; le désert lorsque l’on traite les mondes isolés en cinquième…
A la fin de chaque niveau, les élèves réalisent en groupe une carte et une chronologie-bilan (exemple : le monde au temps de François Ier en fin de cinquième) qui sont réinvesties au début de l’année suivante.
– Le troisième scénario enfin, sans doute le plus novateur introduit le concept de géohistoire.
L’équipe des Clionautes avait proposé de centrer ce dernier scénario autour de 3 thèmes (La mondialisation par Sophie Satrape ; le peuplement par Frédéric Stévenot ; la mer par Vincent Lahondère). Ces propositions sont accessibles en pièces jointes.
Pour les Clionautes, Vincent Lahondère