De Montpellier aux Rencontres de la photographie d’Arles
Les Rencontres de la photographie d’Arles sont un festival estival annuel de photographie, fondé en 1970 par le photographe arlésien Lucien Clergue, l’écrivain Michel Tournier et l’historien Jean-Maurice Rouquette. Avec une programmation composée essentiellement de productions inédites, les Rencontres d’Arles ont acquis au fil du temps une envergure internationale.
Le site des Rencontres comprend à cet effet un volet historique sur ses débuts et sa progressive reconnaissance internationale.
C’est en partant de la première édition des Clionautes sur la route que nous faisons une halte à Arles pour retourner aux Rencontres de la photographie. Une journée d’ailleurs est loin de suffire pour faire une visite exhaustive ! Nous vous présentons 2 expositions nous ont semblé présenter un grand intérêt pour les enseignants d’histoire-géographie en général et les Clionautes en particulier :
- L’une, sur le Jazz, qui prend dans le contexte actuel de mouvements comme “Black Lives Matter” une résonance puissante. Vous la retrouverez avec ce lien : https://www.clionautes.org/rencontres-darles-1-2-jazz-power-black-lives-matter.html
- L’autre, sur la Corée du Nord, qui nous livre des photos insolites sur les habitants d’un pays qui reste par son régime politique l’un des derniers impensés géographiques de la planète. C’est le 2nd épisode de cette série, qui est à suivre ici :
Corée du Nord : un quotidien (presque) ordinaire
La Corée du Nord a toujours été une énigme pour moi.
Stéphan Gladieu, photographe. « République populaire de Corée. Portraits »
« Comment se fait-il qu’elle n’ait jamais vacillé alors que tant d’autres régimes autoritaires se sont disloqués sous l’effet des secousses provoquées par la chute du mur de Berlin, de la modernité, des réseaux sociaux ? D’abord, elle a survécu au bloc communiste qui assurait pourtant sa stabilité politique et économique. Ensuite, elle a tenu bon malgré les embargos internationaux qui la faisaient suffoquer. Puis, elle a dépassé les crises successives, qu’elles soient économiques, climatiques ou alimentaires.
Enfin, elle n’a connu aucun soulèvement massif de son peuple en dépit d’un système de contrôle et de répression permanent.
Comment dans ces conditions photographier les Nord-Coréens ?
Les autorités nord-coréennes ont été déroutées par ma proposition de réaliser des portraits individuels. Ma démarche « révolutionnaire » bousculait leur culture collectiviste. Pourquoi ont-elles accepté ? Dans une volonté d’ouverture, sans doute, mais aussi, je crois, parce que le concept de pose frontale, le cadre rigoureux de mes portraits leur était familier et compréhensible. En fait, le dispositif, qui flirte volontairement avec les codes de l’image de propagande, me rendait statique, prévisible et contrôlable. »
Stéphan Gladieu
Une gageure réussie…
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le pari est gagné ! Car Stéphan Gladieu a su se jouer de la censure sur les images, évidemment omniprésente dans un Etat totalitaire. Il explique également qu’il a refusé la publication des photos qui ne plaisaient pas à ses « accompagnateurs ».
L’expo est composée d’une vingtaine de panneaux grand format exposés en plein air dans le jardin d’Eté d’Arles. Or de nombreuses familles s’y sont installées à proximité pour manger. Hasard ? Les curieux sont nombreux à regarder des photos qui interpellent par leur côté inhabituel. Portraits hiératiques, couleurs criardes, costumes kitsch.
…Qui permet une approche inattendue du quotidien des Nord-Coréens…
Mais certains, à bien y regarder attirent par autre chose. Ainsi ces jeunes filles qui posent devant un fond rappelant les temps héroïques de la lutte anti-impérialiste. Leurs tenues de plage vichy et les bouées vert ripolin rompent le charme pompier initial. Après tout, les censeurs ne voient peut-être pas d’un mauvais oeil cette référence aux loisirs auxquels tout bon communiste a droit.
… Avec quelques surprises…
Qui se serait attendu à une photographie officielle de prêtres chrétiens dans une église ? Les croix sur les chasubles ont une drôle de forme. Toujours est-il que le régime tient à nous faire savoir qu’il respecte la liberté de cultes. Message reçu…
… Jusqu’à la banalité d’un pique-nique en famille…
Voilà un « déjeuner sur l’herbe » que ne renierait pas un Manet ou un Doisneau ! Tout va bien dans le dernier des paradis socialistes…
Conclusion : un objet mondialisé, l’ombrelle Made in China
Notre amie découvrant que son ombrelle est identique à celle du couple se prête au jeu de la photo. Un clin d’oeil pas méchant, histoire de rappeler que le grand frère chinois tient quand même à bout de bras l’économie exsangue du pays.
Et que nous ne sommes pas dupes de la réalité d’un peuple enfermé depuis près de 70 ans. Grâces en soient rendues à Stéphan Gladier, talentueux photographe du non-dit.
« L’attente, une famille coréenne brisée par la partition du pays », Keum Suk Gendry-Kim, Editions Futuropolis 2021, 248 pages
Vous désirez consulter les travaux d’été des « Clionautes sur la route » pour cette première édition ? C’est ici :
https://www.clionautes.org/toutes-les-publications-de-la-galaxie-clionaute.html