De Montpellier aux Rencontres de la photographie d’Arles
Les Rencontres de la photographie d’Arles sont un festival estival annuel de photographie, fondé en 1970 par le photographe arlésien Lucien Clergue, l’écrivain Michel Tournier et l’historien Jean-Maurice Rouquette. Avec une programmation composée essentiellement de productions inédites, les Rencontres d’Arles ont acquis au fil du temps une envergure internationale.
Autre aspect intéressant, le site des Rencontres comprend à cet effet un volet historique sur ses débuts et sa progressive reconnaissance internationale.
C’est en partant de la première édition des Clionautes sur la route que nous faisons une halte à Arles pour retourner aux Rencontres de la photographie. Or une journée est loin de suffire pour faire une visite exhaustive ! Pour notre part, nous avons choisi de vous présenter deux expositions qui devraient parler aux historiens-géographes en général et aux Clionautes en particulier…
- L’une, sur le Jazz, prend dans le contexte actuel de mouvements comme “Black Lives Matter” une résonance puissante.
- L’autre, sur la Corée du Nord, qui nous livre des photos insolites sur un quotidien (presque) ordinaire, d’un pays qui reste par son régime politique l’un des derniers impensés géographiques de la planète. Ce deuxième épisode sera à suivre ici : https://www.clionautes.org/rencontres-d-arles-coree-du-nord-un-quotidien-presque-ordinaire.html
JAZZ POWER ! Jazz Magazine, vingt ans d’Avant-Garde (1954-1974)
Ségrégation et racisme des deux côtés de l’Atlantique
« À l’époque des lois de ségrégation raciale aux États-Unis, en vigueur jusqu’en 1964, et du difficile processus de décolonisation entamé par la France, rarissimes sont les publications de la presse hexagonale qui mettent en couverture des Afro-Américains. Aussi le ton est-il donné dès le premier numéro de Jazz Magazine en décembre 1954. D’emblée, la jeune équipe de la revue se fait l’apôtre des emprunts musicaux et des échanges culturels, témoignant ardemment des luttes pour les droits civiques en Amérique. Ceci, sans toutefois laisser de côté les discriminations subies par les Afro-Américains en Europe.
Jazz et contre-culture afro-américaine
Le mensuel devient rapidement le terrain d’expérimentation et de prise de position des deux rédacteurs en chef. Frank Ténot et Daniel Filipacchi, amis fougueux et ambitieux, sont fascinés par le jazz et la contre-culture afro-américaine. Et entourés de passionnés, ils participent activement à la construction des « légendes » en France. Le temps de deux décennies, ils légitiment le jazz comme pratique culturelle, le consacrent et en révèlent la dimension éminemment politique. »
Clara Bastid & Marie Robert, commissaires de l’exposition Jazz Power!
Des portraits iconiques révélateurs d’une double lecture
Claire Bastide et Marie Robert nous laissent à voir des portraits magnifiques. Grands tirages, artistes sur scène ou backstage. Avec la splendeur du noir et blanc, on ressent la beauté des artistes et leur état d’esprit, où la mélancolie domine.
Ray Charles à Paris (1963)
Ray Charles connaît un immense succès au début des années 60 avec des titres comme Hit the Road Jack. En 1963, il entame une tournée européenne qui le mène à Londres, Amsterdam et Paris. « Il a tout de même réussi à remplir l’Olympia pendant huit jours ! Ce que nulle autre vedette négro-américaine (sic) ne réussit aujourd’hui » écrit alors Franck Ténot. Avec Jazz Magazine, le public découvre d’immenses artistes et des êtres humains, alors que les lois américaines refusent de les reconnaître comme tels.
Black America. Une histoire des luttes pour l’égalité et la justice (XIXe-XXIe siècle), Caroline Rolland-Diamond, La Découverte, 2019 (réédition en poche), 656 p., 13 euros.
Billie Holliday, « Lady Blue »
Sa chanson Strange fruit reste comme la plus éclatante dénonciation musicale de la haine des petits blancs du Deep South.
Le « fruit étrange » de Billie Holliday expliqué par David Margolik dans France-Culture : https://youtu.be/7WbK1LZH9PE
Billie à l’Olympia, Paris, « émouvante et fatiguée », Jazz Magazine n°44, janvier 1959
Billie, donnant une interview dans sa cuisine (New York, 1949, Herman Leonard Photography)
« Culture, médias, pouvoirs aux États-Unis et en Europe occidentale de 1945 à 1991 », Philippe Poirrier (Dir.) Éditions universitaires de Dijon, collection U 21. 15 €
Miles Davis, Kind of Blue
Miles Davis, Antibes, France, 1969
Black Lives Matter, un combat pour l’égalité toujours recommencé ?
A l’image de George Floyd ou de l’infirmière Breonna Taylor, qui ont après tant de crimes racistes secoué l’Amérique de Trump, on notera en la circonstance que la célébrité n’était pas un refuge. C’est ainsi que Miles Davis, un soir d’août 1959, quelques minutes avant de se produire sur la scène du Birdland à New York pour jouer avec son groupe Kind of Blue, se fait tabasser par un policier. Evidemment, celui-ci ignore qui il a devant lui. Car la règle des forces de l’ordre est de contrôler tout noir « trainant dans la rue ».
Alors que Miles lui montre l’enseigne lumineuse où est écrit son nom, il le passe à tabac et finit par l’emmener au poste…
Miles Davis est resté des décennies marqué par cette agression. En plus, la justice ne le blanchira pas de l’accusation « d’agression d’un policier sur la voie publique ». D’où 25 ans plus tard, cet album au titre évocateur : You’re Under Arrest…
En bonus, un formidable documentaire sur la vie de Miles et l’auto-destruction d’un génie dans une Amérique viscéralement raciste : « Miles Davis: Birth of the Cool »