Les paysages des Alpes du sud, marqués par la présence de belles forêts de sapins, mélèzes et autres espèces, doivent beaucoup aux politiques de reboisement et de restauration des montagnes, entreprises depuis la fin du XIXeme siècle. C’est l’objet de la rencontre animée par Hervé Gasdon et Christian Michel, deux forestiers de l’O.N.F à la retraite qui ont, semble-t-il, gardé la passion de leur métier  et l’amour de la fôret.

C’est aussi l’occasion de rendre  hommage à l’action d’un natif de Saint-Dié-des-Vosges, Prosper Demontzey (1831-1898). Cet ingénieur des Eaux et forêts a joué un rôle pionnier dans la mise au point des techniques de reboisement et de restauration des terrains de montagne en France et notamment dans les Alpes du sud.

 

« Restaurer la forêt » mise en images

La première partie de la rencontre est consacrée au visionnage d’un petit film-documentaire intitué « Restaurer la forêt » tourné dans l’Embrunais par Antoine Cola dans les Alpes du sud. Hervé Gasdon, l’un des deux conférenciers, y commente les images et permet ainsi d’entre facilement dans le vif du sujet.

 

 

Reboisement et restauration des terrains de montagne : un peu d’histoire…

Dans son intervention, Hervé Gasdon s’attache à replacer la question du reboisement dans l’histoire longue des forêts francaises.

Alors que la forêt couvrait sans doute 80% du territoire au temps des Gaulois, en 1850 elle n’en représente plus que 10 %, ce qui est le minimum historique. Dans un pays qui reste massivement rural mais qui s’industrialise, les besoins en bois n’ont cessé de s’intensifier pour la construction, la guerre ou l’industrie. Les premières photos prises dans les Alpes du sud vers 1850/1860 montrent des versants complètement nus sur lesquels l’arbre a disparu.

Les conséquences environnementales pour les zones de montagne sont graves. Avec la fin du petit âge glaciaire vers 1850, la légère montée des températures augmente la fréquence des crues qui sont d’autant plus fortes sur des pentes mises à nu par les défrichements. H . Gasdon cite l’exemple de la crue millénale catastrophique de 1856 dans les Alpes du sud qui ont marqué les contemporains.

Ces éléments entraînent progressivement une prise de conscience et la mise en chantier d’une politique visant à réparer les dégats causés par le déboisement des montagnes .

L’un des premiers « lanceurs d’alerte » fut Alexandre Surel en 1841 avec son livre « les torrents des Alpes ». En 1860, est votée la loi sur le reboisement concernant 26 départements, suivie en 1881 d’une loi sur la restauration des terrains de montagne (RTM), visant à lutter contre l’érosion active. Les forestiers peuvent alors entrer en action…

Les forestiers entrent en action…

H. Gasdon insiste sur le fait que les forestiers sont un corps de l´Etat. Vêtus d’un uniforme de type militaire, au 19e siècle, ils symbolisaient dans les régions isolées de montagne la présence et l’autorité de l’Etat central. L’action des forestiers est souvent mal acceptée et suscite parfois de fortes résistances des populations locales. L’exemple le plus connu étant la guerre des demoiselles en 1829/1830 en Ariège, suite au vote du code forestier en 1827. Au moment de la révolution de 1848, les gardes forestiers sont chassés d’Embrun par les paysans.

Le conflit porte sur la limitation des droits d’usage traditionnels immémoriaux que possèdent les paysans sur la forêt, en particulier le pâcage des chèvres qui font des dégats considérables sur la forêt.

Progressivement, les tensions entre paysans et forestiers s’apaisent, car les actions de reboisement et d’aménagement nécessitent de la main d’oeuvre et créent des emplois qui bénéficient à la population locale. Le but du reboisement au 19e siècle vise à « éteindre les torrents » : le reboisement des versants visent à atténuer la violence des crues et s’accompagne de la construction d’ouvrages d’art (de petits barrages) sur les torrents dévalant des sommets. La question de la biodiversité n’est pas encore d’actualité.

Bilan d’un siècle et demi de restauration de la montagne

De nos jours, les départements du sud-est sont très boisés avec 40 à 60% de la surface couverte de forêts . Le randonneur a du mal à imaginer qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Avec le réchauffement climatique, la forêt remonte (environ 100 mètres) et grignote peu à peu les Alpages. Un nouveau défi pour les forestiers…

Pour approfondir le sujet :

restaurer la montagne