En août 2006, Daniel Letouzey relevait un extrait du journal Libération:

« La série les Experts n’est pas loin. Certains ados, habitués de ces colos
«où l’on apprend en s’amusant», sont venus découvrir un nouveau thème, et
faire du sport ».

c’est dans le nouveau Libé, dans la rubrique…… Education. 🙂 🙂

lien pour les abonnés :

http://www.liberation.fr/vous/education/195625.FR.php

Sur une liste qui ne serait pas en vacance,
il y aurait beaucoup à dire et à écrire […] sur les thèmes et les techniques de séries américaines,
sur les choix faits par les patrons des chaînes TV hexagonales…
sur le lien éventuel entre éloge de la police scientifique
et discours politique sécuritaire…

Daniel fut entendu :

– Bruno Modica

Je me suis aperçu que certaines séries TV devenaient de véritables
références pour les élèves de lycée et qu’elles n’étaient pas inutiles
comme référence pour comprendre les évolutions des États-Unis.

Quelques exemples dans les lieux géographiques des actions.

Dans les années soixante, la côte est était le lieu privilégé des
séries… “Les incorruptibles” , “Kojak” .

A partir de 1970, on se tourne vers la côte Ouest et la sun belt… “Les
rues de San Francisco”
, “Starsky et Hutch”

Depuis les années 80, on revient sur la côte Est mais on reste aussi dans le Sud, ( “Miami vice” ). Les grandes séries, comme “Homicide” et “Law and
order”
se passent à New York et Baltimore. Il y a des tas d’exemples…
“NY 911” également…

– Hugues Vessemont

Les séries sont aussi à décoder selon bien des grilles…
1) la variation des studios de tournage… La colombie Britannique
accueille depuis une vingtaine d’années de nombreux tournages… Pour
« passer » dans le public État zunien, la localisation descent quelque peu
en latitude…L’Orégon pour « la sentinelle » ou Seattle pour « X
files »…ou quelque part dans un ailleurs où les forêts océaniques ne
font pas exotiques… comme les « Stargate ».

2) les plans permettant de localiser les lieux… avec quelquefois des
tournages extérieurs pour mettre un peu plus de véracité, (Urgence) ou
simplent de travelling sur la skyline… on peut alors insister sur le
puissance symbolique des quelque bâtiment emblématiques connus de tous
(qui connait vraiment la tour -crayon de Lyon, ou le Beffroi de Lille
?), Boston n’est qu’une couche superficielle pour «  Ally MC Beal … »
l’évocation du Greenwich Village en deux ou trois plans phares dans tous
les épisodes de «  Friends « . La Maison victorienne de « Charmed » correspond
autant à un code géographique que social. Il faut noter la différence
entre la topographie du studio de tournage et celui de l’agencement
d’une habitation nord américaine… malgré la volonté de
vraisemblance… c’est bien souvent « une coche au dessus »

Sur les thématiques et les orientations…

– Hugues Vessemont

3) le message politique binaire… de bonnes séries républicaines
sortent désormais… « Médium’ sur M6… « Preuve à l’appui » tard sur
TF1… la peine de mort y est consacrée et les mères restent
gentillement à la maison tout en ayant un job secondaire… on y
retrouve un écho dans « desparate houswife ». De l’autre côté, suivre la
série phare qui a résisté à la vague deubeuliou « west wing – à la maison
blanche »
, un président humaniste, démocrate et son entourage…

4) des messages parasitaires auxquels il faut veiller… L’influence des
scientologues est à deceler au travers des scenarios qui intégrent de
curieuses petites bêtes parasitaires qui de temps en temps prennent le
dessus sur leur hôte…

Oui, ce genre de remarque tombe toujours un peu à plat devant les
élèves.. soit on passe pour un obsédé de la télé… ou un indélicat
coupeur de cheveux en quatre…
cordialement

– George Caron reprend la dernière idée de Hugues :

« le message politique binaire » ? C’est peut-etre un peu plus complique que cela : « Preuves a l’appui », a
comme titre en VO quelque chose comme « Jordan’s crossing » dans mon souvenir.
L’heroine eponyme est une femme non marie (contrairement a l’heroine de
Medium),
que son metier (medecin legiste dans un pays ou cela implique des pouvoirs
plus etendus qu’en France, voir Patricia Cornwell) empeche manifestement de
rester a la maison. Et elle n’est pas la seule dans cette serie.

– Bruno Modica

Dans les années Clinton, “Urgences” était très orientée social… (
Avec le beau George Clooney). Depuis il semblerait que les acteurs se
livrent aussi à une introspection sur leur vie privée plus marquée. On
appréciera aussi dans cette série, le strict respect de la politique des
quotas. Un acteur qui quitte la série est remplacé par un autre de même
couleur… Le beau Clooney par un autre beau médecin ténébreux venu des
Balkans… ( Et durement épouvé par la vie. !) Benton, le chirurgien
noir qui a beaucoup travaillé pour réussir par un autre du même genre…
qui va partir en Irak ! Terrible !

De la même façon, dans la série « Law and order, «  mettant en scène
policiers et procureurs, la série suit aussi les orientations de la
ville de NY. Les réquisitions sont très marquées lors de la saison 6 par
la politique de tolérance zéro… Dès le premier mandat de Bush,
l’acteur Sam Waterson, substitut du procureur, a commencé à demander la
peine de mort de plus en plus souvent et son assistante plutôt « libérale
au sens étasunien » s’est faite lourder sèchement par le procureur pour
son côté social…

Le 11 septembre et la menace terroriste ont fait leur apparition dans
TOUTES les grandes séries : “NY 911” , NY district… La grande criminalité
liée à la drogue semble par contre moins présente, la mafia a quasiment
disparu au profit des serial killer… de plus en plus glauques !

Enfin, la série culte chez mes élèves (filles) de terminale et
première… “ Desperate housewives ”… Des femmes au foyer, dans un
quartier TRES huppé, se livrent à un désopilant jeu de massacre social
et comportemental… On peut aimer… C’est très drôle en VO ! Et cela
permet d’illustrer la ségrégation sociale dans l’espace aux Etats-Unis…

– Frédéric Ferté

L’idee est en effet loin d’etre saugrenue d’etudier l’évolution des USA avec comme support l’histoire des series americaines.
Le parallele peut etre fait en histoire des USA et cinema comme l’avait tres
bien presente la doc photo dans un numero d’il y a quelques temps (2 ans?).
On peut egalement aborder la problematique des transports, l’etendue des
villes, dans certaines series, ou le réalisateur a intelligemment tenu
compte des distances dans le developpement de ses scenari comme dans la
récente série diffusée par TF1 (désolé!!) « Esprits criminels » .

(Clg de Brécey dans la Manche)

– Dominique Comelli

Grande fan des séries télé américaines (je suis abonné à Jimmy et canal
pluspour cela) j’avoue que c’est même moi qui incite mes élèves à les
voir…et aussi parce que du point de vue réalisation et jeux d’acteurs,
il y a une qualité qui a déserté le cinéma américain. « 6 pieds sous
terre
 » (six feet under) , qui s’est déroulé sur 6 saisons , est
prodigieux, pour ses qualités , et aussi parce que dérouler une histoire
sur près d’une centaine d’heures permet un déployement narratif que
seule la grande littérature romanesque (tolstoi ou dostoievsky ou
balzac) ) permettait jusque là . c’est probablement une des plus grandes
créations audio-visuelles de ces dernières années, y compris par rapport
au cinéma.

L’an dernier, la 13 a redonné l’intégrale de “ la loi et l’ordre ” (law and
order), et voir les 13 saisons à la suite a effectivement révélé
l’évolution idéologique des etats-Unis, depuis le très grand humanisme
du début jusqu’au personnage de plus en plus réac du procureur adjoint.
A comparer au magnifique 100 central street de Sydney lumet (parfois
diffusé sous le nom de tribunal central) , quotidien d’un tribunal des
comparutions immédiates, série héritière du courant humaniste des
cinéastes américains, avec des pauvres gens, des ouvriers, voire même
des vieux militants pacifistes et syndicalistes, un jeu d’acteur
prodigieux, (ah les deux juges, la vieille noire réac mais à la
personnalité qui se revele de plus en plus complexe et le vieux juge juif
libéral et désabusé, mais toujours militant humaniste) et une
réalisation magnifique, qui n’a hélas que tenu 2 saisons aux Etats-unis.
A ne pas manquer

Cold Case

– Dominique Comelli

Il ya par contre une série que tous les profs d’histoire devraient
enregistrer pour diffusion aux élèves, c’est “ Cold Case ”, qui après avoir
passé sur jimmy, canal plus , est en train de finir de passer cet été
sur la 2 le dimanche soir. ce service des affaires classées reprend de
vieilles enquetes , et à chaque fois la série alterne l’enquete actuelle
et la reconstitution de ce qui s’est passé , à travers le recit des
témoins survivants et réinterrogés (avec en plus un beau travail sur la
subjectivité du récit). et dans ce récit d’autrefois , tous les détails
sont de l’époque: costumes, mode, musique, objets quotidiens, manière de
filmer.

La Philadelphie de "Cold Case"
La Philadelphie de "Cold Case"

Or, la plupart des enquetes ont aussi un fond sociologique très
fouillé. l’épisode sur la mort d’une ouvrière de la seconde guerre
mondiale montre par exemple que cette émancipation féminine avait fait
grincer bien des dents masculines. Autres épisodes marquant : celui sur
un déserteur de la guerre du Vietnam, avec une description au vitriol
des relations d’un jeune couple dans la petite classe moyenne , (c’est
d’ailleurs là que j’ai appris qu’une fois par semaine, on utilisait le
même jeu de boules que notre loto pour tirer au sort à la télé le jour
et le mois de naissance des conscrits appelés à partir au Vietnam)
Celui qui se déroule dans un club de jazz noir du temps de la
prohibition, celui qui met en scène des ouvriers lourdés par leur patron
et leur tentative de revanche (qui est du même ordre que celle de la
raison du plus faible) et un des plus beaux: le lynchage d’un jeune noir
, par des blancs de sa petite ville, alors qu’il était en route pour la
grande marche civique et écoutait la radio dans sa voiture: le montage
du lynchage avec en fond sonore le fameux « j’ai fait un rêve  » de Luther
king est magnifique , et en une heure les élèves ont tout compris de
cette atmosphère étouffante d’une petite ville américaine. et ça passe
très bien.

– Bruno modica

A propos de Cold Case, une insistance et une mention particulière pour la musique sans
doute la meilleure qui soit pour une série TV… Une occasion de monter
aux élèves que les musiques qu »ils écoutent aujourd’hui ne sont que des
remixages médiocres de ce que nous écoutions à leur âge… Pour la
musique ( le Rap de bonne qualité) et pour le brassage ethinique il y a
aussi une série remarquable passée sur 13e rue : NY undercover… ( qui
raconte le parcours de trois flics latinos et blacks dont la mission est
d’infiltrer les gangs… )
J’ai pu me procurer les musqiues de tous épisodes de la saison 1 et 2
de Cold Case et franchement c’est une merveille… ! sans compter que
l’actrice est très proche de mon idéal féminin… 🙂

Le rapport des Américains à l’Etat

C’est sans doute plus pointu, mais ça me semble rentrer dans le modèle
américain, je trouve que les séries policières (de qualité par ailleurs)
sont très révélatrices du rapport que les Américains entretiennent avec
l’Etat et du rapport Etat fédéral/Etats : on peut faire remarquer aux élèves
le rapport entre le sherif et les agents du FBI : il y a des séries où le
FBI incarne ou plutôt incarnait le méchant Etat fédéral, un peu big brother,
qui vient embêter les autorités policières locales (dans le même registre,
le thème du complot d’Etat entre dans “ Xfiles ”, avec des agents du FBI
sympathiques, mais marginaux) et au contraire les séries récentes (genre “ FBI
porté disparu
” par exemple) où le policier du coin est un sinistre abruti et
les héros qui découvrent la vérité au risque de déranger les secrets
enfouis, sont les agents du FBI. Tout rapport avec l’évolution de la
législation sécuritaire du gouvernement Bush étant sans doute fortuit 😉

Guillaume Bourel