« Le thème n’est pas nouveau (Foucault, etc.), mais, d’une part, il faut toujours approfondir et, d’autre part, il existe d’autres axes d’approche, comme le genre ». Le thème est celui du danger pour la société et pour les acteurs dans le cadre de la ville.

 

Le marché des objets de la sexualité à Paris, par Pauline Mortas.

Les sources sont les annuaires commerciaux et les journaux humoristiques ayant de la publicité sur ces magasins particuliers (1880-1940).

Les lieux. Ces magasins sont localisés sur la rive droite, les grands boulevards (en rapport avec les usines de caoutchouc au N-E de Paris). On y trouve un rayon bandagiste qui offre des corsets et des suspensoirs à testicules, des godemichets (« le doigt malgache, japonais »). On y vend des contraceptifs et des stimulants. Autour de la publicité pour ces magasins très particuliers, on voit aussi des encarts pour des sage-femmes, dont la publicité minimaliste laisse deviner que leur activité principale est l’avortement. Leur localisation est identique à celle des magasins spécialisés, complétée par une proximité des gares pour les provinciales qui viennent avorter (discrètement) à Paris.

Les dangers. Il semble étonnant que la fabrication et la vente de tels objets soient autorisées. Ce qui est interdit, sont la publicité et l’exposition dans la vitrine. La dénonciation peut être faite par la police, par des citoyens et des ligues de moralité au nom de la protection des femmes, des enfants, des adolescents et des domestiques.

Au tournant du XIXème siècle, les journaux humoristiques diffusent des caricatures de femmes en position de défense. Il existe même des manuels d’auto-défense. On peut alors se demander si l’idée de résistance à l’agression apparaît. La réponse est positive, mais sous le biais du rapport de classe : il s’agit de la défense des femmes bourgeoises face à l’attaque par des éléments des couches populaires. Finalement, on reste dans le domaine de la caricature !

 

L’image et l’imaginaire des violences faites aux femmes, par Mathilde Leichle.

Les sources étudiées par cette doctorante sont les tableaux du XIXème siècle qui représentent les dangers pour les femmes dans la ville.

Les lieux et les dangers. Le bois, situé en périphérie de la ville, est un lieu ambigu. C’est à la fois un endroit agréable pour se promener en bonne compagnie, mais aussi un endroit où on peut faire des rencontres à risques, avec viol à la clef. Dès la fin du XVIIIème siècle, les deux bois parisiens ont mauvaise réputation. Mais le reste de la ville n’est pas pour autant un lieu tranquille pour les femmes.

En effet, la rue appartient aux hommes. Les représentations des femmes dans la rue par les artistes peintres masculins du XIXème s. sont ambivalentes. Elles fournissent une vision caricaturale de la femme qui va au Bois chercher de grands frissons. On voit aussi des harceleurs/marcheurs représentés sur certains tableaux. Que pensent-ils de ces femmes ? Que pensent-ils faire d’elles ? Là est l’ambiguïté du peintre : sont-elles des prostituées, ce qui expliquerait le comportement de ces hommes ? Faut-il souligner que ces hommes sont des bourgeois et les femmes des travailleuses en extérieur comme les blanchisseuses. Dans la vraie vie, ce phénomène de harceleur/marcheur a existé, mais très rares sont les femmes qui sont allées porter plainte car n’étant pas bourgeoises, on ne s’en occupait pas. Pire, elles étaient éventuellement arrêtées pour racolage !

Les tableaux nous permettent de voir un autre aspect de la condition des femmes : celui de la prostitution. Pour ne pas être importunées par la police, les femmes doivent être habillées correctement, toutefois avec un petit signe (ex : un coin de jupe qui se relève assez souvent) qui explicite ce que cette femme peut faire dans la rue.

La sexualité homosexuelle dans la ville

Par les 3 doctorants masculins : L’un travaille sur Paris, un autre sur Lille et le troisième sur Bordeaux.

Les sources. Les registres de police avec les arrestations, les sources judiciaires et la presse (locale) quand il y avait un scandale à la clef.

Les lieux de rencontres sont plus ou moins partout les mêmes, de la grande ville à la sous-préfecture. Bien évidemment, on n’échappe pas au cliché sur les urinoirs qui constituent des lieux de fixation forte. Les allées plus ou moins boisées des grandes places (les Quinconces à Bordeaux), les parcs publics le sont également. Un autre type de localisation : dans les grandes villes, il existe encore des espaces semi-ruraux dans lesquels il y a des petits bois qui offrent une relative discrétion. Au tournant du siècle, apparaissent des maisons privées, des bars et aussi des maisons closes. Mais le pas n’est pas toujours facile à sauter pour des petits bourgeois entre une aventure d’un soir et l’entrée dans un espace clos.

Les dangers. Les chercheurs sont d’accord pour affirmer – à rebours de ce qu’ont dit de célèbres homosexuels – que de 1789 à 1942 (la loi de Vichy créant le délit d’homosexualité), il n’existe pas de spécificité juridique à propos de l’homosexualité ; il s’agit seulement d’outrage à la pudeur. Certes, la presse, de droite comme de gauche, condamne ce « vice masculin ». Aujourd’hui, on dirait que c’est une remise en cause du patriarcat. Le résultat en est donc que les hommes sont contrôlés, emmenés au poste de police… et tout de suite relâchés. Certaines années, dans de grandes villes comme Bordeaux, il n‘y a aucune arrestation. Au grand maximum, on a trouvé quelques condamnations à 2 ans de prison. Les arrestations sont intéressantes pour la police car elles lui permettent d’effectuer du chantage, en particulier la Mondaine à Paris. Les dangers sont ceux de se faire cogner par la police mais aussi par des particuliers, de se faire voler, de subir un chantage si l’homosexuel est un peu riche. Mais la vraie sanction, c’est, quand la presse révèle le comportement « vicieux » d’un homme politique, lequel, par honte, doit démissionner de ses fonctions.

En forme de conclusion, en ce qui concerne les lesbiennes, la police n’intervient pas car les relations se déroulent dans des lieux fermés.