« … Vous voudrez-bien passer vos appels téléphoniques depuis la plate-forme située entre les rames. Le personnel de bord de ce TGV et la SNCF vous souhaitent un agréable voyage. ». Il y a dix ans, un message semblable n’existait pas. Faute d’outil bien sur ; faute d’usage nouveau et donc surtout de nouvelles règles de politesse.
« Vous voudrez-bien ne pas mettre en cause vos enseignants, vos surveillants ou vos amis depuis les pages spotted de Facebook. Vous prendrez soin d’utiliser un langage approprié à une page publique ; vous écrirez avec tact et délicatesse. Vous voudrez-bien réserver vos messages et vos photos intimes à la partie privée de vos pages facebook. Vos enseignants et l’Éducation nationale vous souhaitent de réussir au mieux vos études en utilisant avec à propos les Technologies de l’Information et de la Communication ».
La déferlante des pages spotted consacrées aux lycées, venues des universités, et qui envahissent depuis environ un mois l’internet, rend indispensable une réaction des adultes.
Les pages spotted sont au départ, écrites sous formes de poèmes, un métissage entre les petites annonces de libération et les graffitis sur l’abri-bus. Il s’agit de lancer un appel à l’élu(e) de son cœur que l’on espère voir se reconnaître. Mais vite, il s’agit de vider son cœur, ses tripes, et de nombreuses pages spotted de lycée ressemblent aux graffitis de toilettes, à l’échelle de l’internet.
Il serait bon d’agir vite et, si possible, avec efficacité. Agir dans les familles, dans les classes, dans les établissements et, depuis le Ministère, ce serait bien aussi. Le rectorat de Montpellier a publié une circulaire qui invite les Chefs d’établissement à réagir en cas d’attaques contre les personnels… mais rien sur l’image des établissements ou la pornographie associée au nom des lycées et des élèves. Rien même envers la bête et méchante vulgarité.
S’il ne se fait que cela, ce ne sera pas grand chose.
En 2008 lorsque est apparu le site note2be qui avait pour fond de commerce la notation des élèves par les enseignants, cela avait provoqué un tollé général. Les syndicats avaient protesté vivement auprès du ministère, une plainte avait été déposée et le site avait été mis dans un sommeil dont il n’est toujours pas sorti. Il n’était pas bien difficile de deviner que ce qui était sorti par la porte – d’un site aux moyens assez faibles – allait rentrer par la fenêtre grande ouverte des réseaux sociaux.
Est-ce notre niveau d’acceptation qui a évolué ? Est-ce le sentiment que rien ne peut être fait contre des géants comme Facebook ? Est-ce une capitulation en rase campagne devant certains de nos enfants, jeunes gardes roses de la pornographie et de l’insulte ?
Est-ce que Facebook, twitter et consorts nous fascinent, au sens littéral du terme, au point que nous perdions raison et mesure à leur contact ?
Nous qui utilisons les TICE et en faisons la promotion, nous ne pouvons rester muets devant ces dérives.
Twitter n’a pas à être le déversoir des névroses d’adultes atrabilaires, pas plus que Facebook à être l’exutoire d’adolescents et de jeunes adultes qui n’ont pas encore compris la différence entre l’intime et le public.
En tout cas, comme professeurs d’éducation civique, nous avons à éduquer pour éviter ces dérives ; à ne pas faire comme si tout cela était normal ; à ne pas refuser de voir d’abord, d’agir ensuite.
Franck Gombaud