Joëlle ALAZARD, professeure en CPGE au lycée Louis le Grand, agrégée et docteure en histoire, vice-présidente de l’APHG

David FEUTRY, directeur de la bibliothèque de l’École des chartes, professeur agrégé et docteur en histoire, lycée Branly, Dreux (intervenant)

Stéphane GUERRE, professeur au lycée Carnot, agrégé et docteur en histoire (intervenant)

Comment Louis XIV et XV interviennent-ils ?

Le lendemain de la mort de Mazarin, Louis XIV réduit le conseil des ministres à trois ministres : De Lionne, Colbert et Fouquet pour gouverner et non pas régner. Louis XIV s’astreint à un travail bureaucratique. Jusqu’à sa mort, il maintient un rythme de travail et crée des moments spécifiques dans la semaine où il se réunit avec ses ministres. La révolution de 1661 est aussi une révolution des conseils qui s’occupe du contentieux fiscal et juridique sans le roi.

Sous Louis XV, le travail individuel devient beaucoup plus important : « la liasse ». Louis XV aime travailler en tête en tête avec son ministre. La « liasse », c’est le travail du roi avec un ministre en particulier. « Le secret du roi » : le roi peut choisir quelqu’un pour pratiquer une politique étrangère. Il y a une diplomatie parallèle qui va contre les prérogatives des secrétaires d’État. La liasse se fait en tête-à-tête avec le roi, contourne le conseil et permet au ministre de présenter le dossier sans pouvoir être contredit par les collègues. Elle a donc mauvaise presse.

Un roi qui gouverne c’est un roi bureaucrate qui se fait lire les correspondances mais qui doit digérer les dossiers. À partir de 1691, après la mort de Louvois, le roi s’investit, décide de gouverner directement, rentre dans les dossiers, mais fait aussi appel à des conseillers occultes.

La structure hiérarchique au sein du ministère des finances entre 1704 et 1708

Le Contrôleur général des finances est Michel Chamillart. Au dessous, il y a le Directeur général des finances, Joseph Fleuriau d’Armenonville et Nicolas Desmaretz, Intendant des Finances. Les secrétaires et premiers commis sont Louis le Cousturier, Gilbert Clautrier et Jean-François Charmolue de la Garde, au dessus des intendants de province.

En fait, c’est plus complexe : les secrétaires sont en lien avec le Parlement de Paris. Les secrétaires d’État ne sont pas des juristes professionnels et il leur faut souvent demander à des parlementaires spécialistes pour tel ou tel domaine. La liasse, ce sont des dossiers finalement préparés en collégialité ce qui remet en cause l’idée du privilège des parlements car les parlementaires préparent la plupart des lois. Les intendants vont proposer un arrêt qu’ils proposent au contrôleur général qui valide ou pas et si c’est validé par le contrôleur, c’est suffisant. Des experts extérieurs sont aussi consultés : techniciens…

Sur quoi statue le roi ?

Il ne peut pas statuer sur tout… On peut penser que dès qu’il y avait une décision politique et religieuse elle lui remontait. Des arrêts en finance sont produits en conseil de façon bureaucratique sans passer par le roi.

Les commis : comment sont ils recrutés ?

Ils sont recrutés dans les familles et clientèles des ministres. À partir des années 1690, les recrutements sont plus ouverts. Il n y a pas de formation diplômante et la difficulté est de recruter : des personnes compétentes, loyales et qui ont du réseaud’où le choix de ministres. Ils peuvent faire carrière à l’interne quand formées au secrétariat d’État, plus au XVIIe qu’au XVIIIe siècle. Il y a alors ceux recrutés à l’interne et ceux venant de l’extérieur.

Louis XIV choisit ses ministres dans les mêmes familles car les fils ont reçu l’apprentissage. Ainsi, Colbert forme son neveu Desmarets, d’où l’importance des lignées. Et le fils de Desmarets dès 12-13 ans connaît déjà très bien le système. Lignée de jusqu’en 1823. Il n’y a pas nécessairement d’opposition entre naissance et connaissance : les familles de commis sont des viviers. Sauf si des fils ne font rien, comme l’un des fils de Colbert que Colbert écarte lui même

Dès Louis XIV, l’abbé de Saint-Pierre (1658-1743) demande plus de professionnalisation et Torcy fonde une école pour former les aristocrates qui font « n importe quoi » : il s’agit de l’Académie politique fondée en 1712.

Bureau du chiffre

Il y a un bureau du chiffre mais tout le secrétariat connaît le chiffre jusqu’à Choiseul qui limite cela à 2-3 commis. C’est d’ailleurs un problème durant la guerre de Trente ans car il est alors facile de connaître le chiffre. Il faut de la compétence, d’où le recrutement dans les finances où les compétences administratives, où on sait faire un courrier et un résumé. Donc le stock de commis est limité.

Hiérarchie

Le copiste est recruté à la tâche et payé à la tâche pour copier les correspondances. Il s’agit d’un travail technique, puisqu’il faut avoir une belle écriture, connaître les règles de forme en fonction du type de courrier. Il y a des normes donc c’est relativement difficile. Ils restent copistes au XVIIIes alors que, sous Louis XIV, il y a davantage de possibilités d’ascension sociale.

Le premier commis est très important, c’est l’équivalent du chef de cabinet du ministre, il fixe son emploi du temps et coordonne les commis du ministres, leurs tâches spécifiques, mais ne devient plus ministre. Tel est le cas, par exemple, de la famille Pontchartrain. Sous Louis XIV, le nombre de commis est encore restreint mais croît au sein du ministère tout au long des XVIIe et XVIIIes, tandis que les tâches s’affinent.

Chaque strate a ses commis : cette structure se répète. Le fluide, c’est le papier. On ne cesse pas d’échanger du papier à l’intérieur de la machine bureaucratique versaillaise (et parisienne pour Paris…) : à l’intérieur de la sphère du gouvernement central, les coursiers, porteurs…

Pourquoi cette explosion du nombre de commis ?

Dans un système défaillant ou flottant, une continuité administrative avec des têtes de pont – les commis – s’impose jusqu’à Choiseul. Il faut une continuité qui ne peut pas être amenée par le ministre qui est susceptible de changer. Le nombre de commis est augmenté en cas de besoin. Et si le ministre « tient la route », alors il n’est pas nécessaire d’avoir autant de commis et le nombre baisse alors – comme sous Choiseul (1719-1785).

Mathieu Stoll (ancien élève de l’École nationale des Chartes, docteur en Histoire, conservateur à la Bibliothèque de la Sorbonne, a soutenu en 2008 une thèse sur le contrôleur général Claude Le Peletier et l’administration centrale des Finances sous Louis XIV) a montré que les commis restent en moyenne 23 ans.

Lien entre commis et ministre / Influence politique des commis

Desmaretz a deux commis en particulier : Le Couturier et Charmolue de La Garde qui sont renvoyés en mêmet temps que Desmaretz. Seul le troisième commis reste – Clautrier – reste car il est moins identifié au ministre, ce qui lui a permis de faire carrière, lui puis son fils.

Le modèle au XVIIes, à l’époque de Colbert, c’est de considérer que les commis se valent et ils sont logés sous les toits, à Versailles, chez les ministres qui leur achètent des bureaux. Les commis ont alors très peu d’influence politique car Colbert contrôle tout et laisse aux commis très peu d’initiatives. En même temps, Desmaretz ne cesse de recevoir ce que Colbert lui délègue. Le commis fait alors un travail d’archivage. Parfois les relations entre le ministre et ses commis sont compliquées par la question de la rémunération. Très corsetés au XVIIe s, au XVIIIe s, les commis sont de moins en moins des subalternes et de plus en plus des collaborateurs voire des adjoints.

En 1715,le secrétariat d’État est supprimé mais les commis et secrétaires sont maintenus. Cependant ils connaissent un grand turn over. Avec le Marquis d’Argenson (1652-1721), les premiers commis ne peuvent pas décider de tout.

Jean-Pierre Tercier (1704-1767), polyglotte, est diplomate sous Louis XV qui fait de lui le premier commis des Affaires étrangères et le responsable du service du Secret du Roi. Il s’agit d’une parade de diplomatie. Tercier écrit au roi de Prusse sans que le secrétaire d’État soit au courant à compter Louis XV. Tercier reste 15 ans, mais Choiseul « veut la tête » de Tercier qui signe l’autorisation de L’Émile de J.J. Rousseau ; Le secret du roi : personne ne sait sauf 4-5 personnes. Le chevalier de Théon fait chanter le roi mais est sauvé – après la guerre de Sept ans

Archivage / destruction / sécurisation des documents /sélection / continuité administrative

Au XVIIe s, il n’y a pas de mémoire d’État: chaque ministre repart avec ses archives, ce qui engendre des problèmes pour la continuité administrative. En 1715, il y a le preier dépôt d’archives. Les archives sont constituées à partir du XVIIIe s. Cela s’assortit de la question de sécurisation des archives et de la place nécessaire pour le stockage – au château de Vincennes qui dépend du ministère des Armées.

En revanche, pour ce qui est du contrôle général des finances, il n’y a pas d’archives ; le roi ne conserve rien. On peut juste retrouver les arrêtés du roi. Au XVIIIes, les seules archives existantes sont parlementaires. Louis XIV avant de mourir brûle tout ce qui reste – pour maintenir le secret d’État et du roi.

Des documents sont détruits: pour éviter les fuites par commis, pour sécuriser les secrets d’État et fuites par commis, et aussi parce qu’on n a pas la place – inflation de documents – , sinon les papiers peuvent être recyclés (à la beurrière…). Les commis peuvent ramener des documents officiels chez eux et certains peuvent espionner aussi.

La conservation suppose aussi sélection.

Les intendants

Les intendants (développés sous Colbert) dépendent du ministre mais peuvent durer plus longtemps. Ils connaissent bien leur région et ont de l’autonomie. Ils peuvent parfois dramatiser pour négocier une intervention. Le ministre a d’autres informateurs – par exemple, les gouverneurs aristocratiques et tout un réseau de correspondants, mais parfois les intendants jouent un rôle important et de clientélisme. Au XVIII es, un intendant finit chef de la province.

Le Parlement

Le parlement conduit à des modifications, un arrêt de règlement. Il est à la source de la loi à l’échelon local. Les arrêts de règlement amènent des modifications dans les ordonnances royales. Des usages proviennent des règles et mais pas toujours. la rationalité administrative ne préside pas toujours à la clarification des choses.

Les secrétariats d’État

Plus c’est confus, plus on peut jouer es zones de pouvoir.

Les secrétariats d’État sont d abord géographiques avant d’être thématiques.

Le secrétariat d’État à la guerre : ne concerne pas les provinces du centre mais les provinces frontalières. Les provinces maritimes sont à la marine. Et pour Paris, c’est la Maison du Roi.

Rémunérations

Les premiers commis du XVIIIe s touchent des rémunérations très confortables, comme des hauts fonctionnaires – 6 000 livres et des choses en plus. Mais à leur charge de payer leurs écrivains, bureaux, déplacements avec le roi, le papier, les plumes et bougies….

Rapporteure : Judith Volcot