Travail dans le monde romain – approches archéologiques
Quel plaisir : commencer une table-ronde avec un plan et un meneur de débats qui sait à qui s’adresser exactement pour répondre. Bref, une table-ronde très intéressante, très vivante, ce qui m’a empêchée de m’endormir, fait qui m’est arrivé, comme à une bonne partie de l’auditoire, dans une autre table-ronde que je ne citerai pas par charité !
Carte blanche HeRMA aux Rendez-vous de l’histoire
Au XIXème s., les chercheurs, intellectuels estiment qu’avant la RI, le travail n’existait pas. Pourtant, les juristes romains avaient pensé le travail (théorie apparue au début de l’an 2 000) : on pouvait louer du temps de travail, comptabilisé en personnes (sans que cela corresponde au nombre d’individus employés). Les auteurs latins, issus de milieux favorisés, ne méprisent pas le travail -d’artisan-, à la différence de celui des travailleurs non spécialisés.
Pour les chercheurs comme pour les Romains, il y a une vraie problématique pour distinguer la production pour utilisation domestique et la production à vendre (peut-on parler alors de travail pour cette dernière catégorie ?).
Quelle chance pour nous profs ! il y a beaucoup de représentations de nombreux métiers (en particulier en Gaule). Elles nous permettent de connaître beaucoup de détails techniques, de comprendre des gestes qu’on n’aurait pas pu imaginer. Mais piège : il s’agit de poncifs. Ces représentations ont leurs règles, elles sont identiques sur plusieurs siècles et n’ont que de minimes variations d’une région à une autre. L’artisan est représenté toujours penché, de profil, son métier au milieu de la scène (même le collecteur d’impôts !).
Travail à hauteur humaine
Il existe 3 types de représentations d’artisan : 1-l’artisan avec ses outils 2-une panoplie d’outils sans homme 3-une scène de métier. Dans ces représentations on n’a pas trouvé de classement : artisan, propriétaire, esclave. Il y a parfois des ressemblances avec le dieu patron.
En archéologie, il semble difficile de trouver le nombre de travailleurs dans un atelier (du simple au double), et leur statut est impossible à déterminer.
L’épigraphie permet de voir la hiérarchie avec le maître artisan et les apprentis, on trouve des femmes qui travaillent avec leur époux, des veuves. On voit des mobilités sociales (petites charges civiques et participation à des associations professionnelles -mais pas des corporations- religieuses ou de convivialité).
Dans l’Egypte gréco-romaine, on trouve des contrats de travail. La plus grande partie concerne le travail des enfants et quelques-uns pour les femmes (tant qu’elles ne sont pas mariées). Ces contrats servent à rembourser les dettes des parents…enfin seulement les intérêts du prêt ! les enfants sont nourris et logés et seul le petit salaire sert à rembourser, pour 1 ou 2 ans, mais renouvelable…
Travail – les techniques à partir du recensement fiscal égyptien
Les textes nous montrent des techniciens/artisans qui parlent de leur métier de façon hyperspécialisée, alors que non, le travail n’est pas vraiment complexe. En réalité, les artisans disent cela par fierté, pour montrer la valeur de leur métier et qu’ils sont libres. Plus précisément, ce n’est pas pour montrer qu’ils sont fiers d’être artisan, mais d’être le meilleur des artisans par sa maîtrise technique, très pointue.
En archéologie, on essaie de reconstituer la chaîne de production : amener les matières premières, amener l’énergie, les gestes pour trouver qui fait quoi, et leur statut.
Retour sur le blocage technique. Les Romains ont connu le pétrin mécanique, qui a disparu, pourquoi ? on sait qu’à Pompéi coexistaient les 2 formes de pétrissage : manuel et technique.
Travail – Quels espaces ?
Question classique : Rome aurait-elle pu atteindre un stade industriel en comparant la taille des ateliers de boulangerie à Ostie, notablement plus grands que ceux de Pompéi ou d’autres en Egypte ? NON, car il n’y a pas de rationalisation du travail à Ostie : il s’agit de réutilisation et on agrandit juste. En Egypte, la grande taille s’explique par la présence d’une grande ville à proximité.
Au fait, comment savait-on à quelle température fallait-il mettre la pâte dans le four … puisque le thermomètre n’existait pas ? Là, on passe dans l’archéologie expérimentale et l’un des archéologues présents est « devenu » boulanger. On fait chauffer au maximum le four et puis on laisse décroître la température (si le four est trop chaud, la croûte crame sans que l’intérieur soit cuit). Du coup, c’est simple : on met une poignée de farine sur la sole et si elle noircit c’est que le four est encore trop chaud ! On aurait bien aimé que la table-ronde se prolonge…et on aurait goûté le pain !
Carte blanche à HeRMA, laboratoire « Hellénisation et romanisation dans le monde antique »
Les questionnements autour du travail et des travailleurs dans le monde romain ont fait l’objet d’une activité scientifique intense au cours de la décennie écoulée. L’objectif de cette table ronde est d’en rendre compte à un large public, autour de thématiques ressortissant tant de l’histoire économique et sociale (organisation du monde du travail, statut légal et social des travailleurs, rémunération), d’une approche technique (archéologie des espaces de travail, outils et chaînes de production) que d’une histoire culturelle (considérations nuancées du travail dans la société romaine, représentations du travail). Un accent sera mis sur la présentation des nombreuses sources à disposition. La rencontre est organisée par le laboratoire « Hellénisation et romanisation dans le monde antique » de l’université de Poitiers, équipe de recherche pluridisciplinaire dont les travaux s’inscrivent dans un dialogue permanent entre les différents disciplines des sciences de l’Antiquité.