Trône en majesté
Exposition jusqu’au 19 juin 2011
D’après l’ouvrage de Jacques Charles-Gaffiot, commissaire de l’exposition (2011, éditions du Cerf)
Une exposition au Château de Versailles
Trône en majesté
Exposition jusqu’au 19 juin 2011
D’après l’ouvrage de Jacques Charles-Gaffiot, commissaire de l’exposition (2011, éditions du Cerf)
– Originale idée que de mettre en parallèle des trônes d’époques et de régimes différents ! Et tout cela dans les grands appartements du roi et de la reine, au cœur du château de Versailles, qui fut un lieu d’exaltation du pouvoir.
Le propos dépasse largement la présentation de trônes pour nous faire réfléchir sur l’exercice de l’autorité et le pouvoir. Ainsi, au Cameroun, le trône désigné comme rû mfo recouvre d’ailleurs les deux sens de tabouret ou de roi selon le contexte.
L’exercice de la souveraineté se définit par deux notions : la Potestas et l’Auctoritas. La puissance ou le pouvoir s’exerce debout tandis que l’autorité s’exerce assis. Et c’est encore vrai dans l’exercice du pouvoir républicain actuel, comme dans l’exercice de la justice du siège ou la justice debout… Et ceci à l’inverse des Dieux qui sont assis, divinités nipponnes, vierge chrétienne, dieu aztèque Tlaloc…
Cependant pas d’erreur de protocole, un siège n’est pas fait pour s’asseoir. Le roi de France ne s’assied pas sur son trône. Debout, le pouvoir !
En revanche, le trône se doit d’être mobile pour suivre le roi dans ses déplacements. Trône porté à dos d’homme ou d’éléphants, chaise pliante, palanquins ou Howdahs, barque d’Isis ou barge thaïlandaise…
Le symbole de l’autorité se manifeste autour du siège par la présence de trois éléments constitutifs : le gradin, le dais, le marchepied. Cette représentation symbolique est commune à de très nombreuses sociétés occidentales ou orientales d’où l’intérêt des œuvres représentées dans cette exposition qui vise à montrer l’universalité temporelle et géographique du pouvoir.
Et c’est ce qui était déjà mis en valeur dans un certain nombre de manuel de collèges notamment de cinquième avec la photographie d’un roi du Golfe de Guinée (selon les éditions) dont il était aisé de comparer les insignes de pouvoir avec ceux d’un roi de France.
L’exposition présente des trônes royaux, papaux et épiscopaux. Bien sûr, il y a le trône dit de Dagobert en forme de X et orné de têtes de panthère, sur lequel Napoléon s’assit encore pour les premières distributions de légions d’honneur mais qui n’était jamais sorti des réserves de la Bibliothèque Nationale.
Le trône du roi polonais Stanislas Poniatowski servit à l’empereur russe quand il soumit la Pologne. Quand la Prusse affirme sa puissance face à la France, elle fait livrer un trône en 1864 à l’ambassade de Prusse à Paris. On ne prend jamais assez garde à ce que l’on croit être des bagatelles.
Le trône de Nicolas II lors de sa visite en France est avec le pont Alexandre III et les biscuits franco-russe (hum ! les Neva de Lefevre-Utile) les signes de l’entente en construction. Particularité espagnole, les souverains se font faire des trônes à leur effigie depuis Alphonse XII (1874-1885). Le trône chinois revêt plutôt des symboles naturels, les vagues, les nuages, le dragon, le fleuve… Du Palazzo Grassi, vous verrez un trône vénitien pour le pape en visite dans la Sérénissime. Ou comment faire sa cour au pape de passage…
Vous apprendrez comme moi… que le trône d’un pape est un faldistoire, ou éventuellement une sedia gestatoiria suivie deux flabella en plume d’autruche, signe de la justice et de l’immuabilité de l’autorité pontificale que vous pourrez distinguer désormais de la portantine.
Et l’exposition se termine par une superbe présentation, celle du trône de Napoléon Ier et de celui du pape Pie VII devant leur exacte reproduction du tableau de David. Elle s’achève par les fauteuils du gouvernement français et le siège du Président de la République sous la tribune du 14 juillet, qui est donc détrôné… ou détrônable….
Au fait, depuis quand le chef de la République Française prononce t-il ses discours de politique intérieure ou de politique extérieure debout? (réponse protocolaire en privé).
Une exposition passionnante sur le Mobilier National, issu du Garde Meuble qui montre rarement ses richesses. Une exposition qui nous fait réfléchir sur la mise en scène, sur le comportement face à l’exercice du pouvoir. Une exposition qui a par conséquent une portée civique…
Finalement, ferons-nous désormais cours assis de façon à « asseoir notre autorité » ?
Pascale Mormiche