« Le Sahara occidental et le conflit qui s’y déroule depuis 1975 restent méconnus du public français. Pourtant, le statut de ce territoire situé entre le Maroc et la Mauritanie n’a cessé d’envenimer les relations intra-maghrébines depuis plusieurs décennies. Une approche pluridisciplinaire et multi-scalaire permet de mieux comprendre les enjeux. »
Sébastien BOULAY, anthropologue
Meriem NAILI, juriste en droit international
Un statut de « territoire autonome » pour l’ONU
Meriem NAILI évoque la reprise du conflit armé dans le Sahara occidental depuis novembre 2020. Elle rappelle également qu’il s’agit toujours d’un territoire non autonome (il fait partie des 17 territoires non autonomes selon l’ONU), qui n’a pas encore achevé son processus de décolonisation. Il représente 266 milles kilomètres carré et 0,5 millions d’habitants.
Une décolonisation inachevée
Ce processus de décolonisation inachevé a connu de nombreux rebonds : cette colonie, espagnole depuis 1884 et la conférence de Berlin, est inscrite sur la liste des territoires non-autonomes de l’ONU à la demande du Maroc en 1963.
En 1973 le Front de libération Polisario est créé pour libérer le territoire du colon espagnol et dès 1975, après l’annonce du retrait des Espagnols, le Sahara Occidental fait objet de convoitises des Etats limitrophes.
En octobre 1975, la Cours Internationale de Justice de l’ONU délibère pour montrer les liens entre les peuples du Sahara occidental et le Maroc ou les liens entre les tribus et la Mauritanie. Mais aucun lien de souveraineté n’est établi. La CIJ finit par émettre l’avis suivant ; le Sahara occidental appartient à ses peuples.
La « Marche verte »
Cependant Hassan II envoie des civils (escortés) sur le Sahara occidental : cette « marche verte » (6 novembre 1975) accompagne la guerre déclenchée le 31 octobre 1975 par le Maroc. Le traité de Madrid (accord tripartite entre l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie signé le 14 novembre 1975) transférait l’administration du Sahara occidental au Maroc et à la Mauritanie tout en émettant le souhait que la population sahraouie puisse avoir accès à l’autodétermination.
En 1976, les Espagnols de retirent du Sahara Occidental. La Guerre dure jusqu’en 1991 opposant le Maroc et le Front Polisario. Un mur de défense de 2700 km, constitué de sable et de mines, divise le Sahara occidental entre l’espace occupé par le Maroc et celui dominé par le Front Polisario.
Un accord de référendum entre Maroc et Front Polisario gelé depuis 1991
La Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) a été créée par la résolution 690 du Conseil de sécurité en date du 29 avril 1991, suite à l’acceptation des propositions de règlement par le Maroc et le Front POLISARIO, le 30 août 1988. La mission a deux objectifs : imposer le cessez-le-feu dans un premier temps et organiser le référendum permettant à la population sahraouie de s’autodéterminer.
Aujourd’hui, le référendum n’a toujours pas eu lieu. En effet la liste des votants fait l’objet de nombreuses discussions entre le Maroc et le Front Polisario. L’Espagne avait fait une liste de 80 000 votants à compléter par les différentes parties mais aucun accord n’a abouti au sujet de ces listes.
Des centaines de milliers de réfugiés sahraouis
La situation de conflit actuelle est à l’origine de 280 000 réfugiés (d’après le HCR) et d’une grave crise humanitaire. La RASD (République arabe sahraouie démocratique) est donc une souveraineté en exil appartenant à l’OUA et reconnue par certains Etats dont la France. Les enjeux économiques nourrissent le conflit : les ressources naturelles sont abondantes, phosphate, eaux poissonneuses et maraichage.
Sébastien BOULAY évoque pour sa part les enjeux sociaux de ce conflit. Les peuples composant la population du Sahara Occidental sont pour l’essentiel des peuples avec une culture fondée sur l’oralité.
Des familles séparées par le « Mur de défense »
Pour reprendre l’exemple du mur divisant le territoire en deux, ce sont également des familles qui sont séparées, et des camps de réfugiés qui sont établis. La conséquence étant la migration très importante des jeunes qui vont au lycée en Algérie ou étudier à Cuba.
Les enjeux migratoires sont également importants : chaque partie essaye d’habiter ce territoire avec la crainte que les camps ne se vident à cause de la diaspora vers l’Europe et surtout vers l’Espagne.
D’autre part il existe un débat générationnel au sujet du référendum : les jeunes expriment davantage leur frustration alors que les anciens affichent un certain renoncement.
Le rôle des artistes dans ce conflit et dans la vie quotidienne des Sahraouis est important. Ils apportent une résistance culturelle et combattent par poésie interposées sur les réseaux sociaux. Ces joutes dénoncent les renoncements ou les changements de camps.
Sébastien BOULAY met fin à la conférence en donnant la référence du site de « l’Observatoire International du Sahara Occidental » : http://ouiso.recherche.parisdescartes.fr/fr/observatoire-universitaire-international-du-sahara-occidental/