Le coffret de trois DVD intitulé WWII. La Guerre. La Vraie est un projet original et très bien mené. Il s’agit de retracer l’histoire de la Seconde Guerre mondiale en s’appuyant sur « des images, du monde entier, jamais vues et authentiques », ce qui peut sembler être un effet d’annonce déjà entendu. En réalité, l’idée est de suivre douze soldats américains, particulièrement bien choisis, qui ont réellement existé, sur tous les théâtres de combats. Ce parti pris est ingénieux car il rend la guerre moins impersonnelle, d’autant que ces soldats, devenus âgés, témoignent. Leurs noms et leur photographie apparaissant au début de chacun des dix épisodes, comme dans un générique, avec d’ailleurs un cours résumé de l’épisode précédent.
Une image complète de la société américaine :
Les Américains que l’on va suivre sont une image complète de la société américaine. Bert Stiles est un pilote de 23 ans qui veut devenir écrivain. Shelby Westbrook, soudeur dans l’Ohio, suit une formation pour intégrer le premier groupe de pilotes afro-américains, les Tuskeger Airmen. Jack Werner est un juif Autrichien qui a fui l’Anschluss, est venu aux Etats-Unis pour devenir acteur et qui s’engage dans l’armée américaine. Nolen Marbrey est un engagé volontaire de 20 ans. Jack Yusen s’enrôle dans la marine en 1943, à 18 ans. Rockie Blunt, âgé de 19 ans lorsqu’il rejoint l’armée, est batteur de jazz à New York. Archie Sweeney est un jeune fermier de l’Etat de New York, qui est appelé pour défendre le territoire américain, car pour la première fois aux Etats-Unis, le service militaire devient obligatoire en septembre 1940, pour les hommes valides de 21 à 30 ans. Richard Tregaskis est reporter de guerre dans le Pacifique, correspondant du International News Service. Charles Scheffel est étudiant à l’Université d’Oklahoma jusqu’en 1942 où, ayant fini ses études, il part pour le front. Jimmie Kanaya est un médecin de l’Orégon qui s’engage à 24 ans comme volontaire nippo-américain, avant Pearl Harbor : il est soldat de l’armée américaine pendant que ses parents, immigrants japonais aux Etats-Unis, sont détenus dans des camps. June Wandrey est une infirmière militaire engagée après Pearl Harbor. Robert Sherrod, reporter de Time Life Magazine, ami de Franklin Delano Roosevelt, qui va couvrir la guerre.
Prendre conscience de ce que fut la Seconde Guerre mondiale
Avec eux, on prend conscience de ce qu’est la guerre : les images, très réalistes, au cœur des combats et parfois très violentes, nous conduisent des îles Aléoutiennes au canal de Panama, de l’Afrique du Nord à Dachau, de la Normandie aux Philippines. Ces douze Américains représentent à la fois tous les corps d’armée et toutes les minorités qui forment la population américaine. Certains restent en vie, d’autres sont plus ou moins gravement blessés, d’autres meurent. Des aspects inédits de la guerre sont montrés, ainsi Jack Yusen dont le bateau est d’abord heurté par une baleine et doit rentrer aux Etats-Unis, et qui, plus tard, après que son navire ait été coulé par les Japonais, survit dans le Pacifique, avec quelques uns de ses camarades, en sacrifiant un blessé aux requins qui les attaquent. Et surtout ces témoins parlent : ils évoquent leur état d’esprit, qui évolue au fil des combats, les expériences qu’ils ont vécues, leurs doutes, leurs douleurs, leur regard sur la guerre – certains participent à d’autres guerres, d’autres redeviennent civils – et leurs déceptions : Shelby Westbrook, soldat médaillé, fut néanmoins victime de discrimination pendant et après la guerre. Car des images civiles alternent avec les images des combats pour nous montrer l’entraînement des soldats en Grande-Bretagne, la vie aux Etats-Unis pendant la guerre, les temps de repos des soldats entre deux attaques, les défilés militaires, la machine de guerre américaine qui fonctionne à plein régime à partir de 1943. Elles utilisent largement des extraits de discours de Roosevelt, Churchill ou Truman par exemple.
La Seconde Guerre mondiale, une guerre d’anéantissement
Ce coffret est particulièrement utile pour aborder le thème de l’anéantissement inscrit dans le programme des classes de Première, car les images témoignent de toutes les formes d’anéantissement : l’anéantissement idéologique des camps de concentration de Buchenwald ou Dachau, mais aussi des populations civiles d’Okinawa, considérées comme inférieures par les Japonais. L’anéantissement militaire est aussi bien illustré : les bombardements nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki, mais aussi sur Pearl Harbor, les villes allemandes ou sur Londres ; ou bien les bombardements massifs avant les attaques comme sur les îles Marshall ou en Normandie ; ou encore les Japonais à Iwo Jima cachés dans des tunnels ou des cavernes et qui sont brûlés vifs ou emmurés par les soldats américains ; les 10 000 prisonniers de guerre tués lors de la marche de la mort à Bataan. Un troisième type d’anéantissement est montré, construit par la propagande : les opérations suicides des Kamikazes pour l’aspect militaire, mais aussi les civils de Saipan qui préfèrent se suicider plutôt que de tomber aux mains des Américains.
Quelques limites cependant :
Les images, retrouvées après un travail de deux ans, ont été restaurées numériquement pour restituer leurs couleurs d’origine. Les sources proviennent d’archives privées, mais aussi publiques, des Etats-Unis, d’Allemagne, d’Ecosse, du Royaume-Uni…Si l’on peut penser que les douze Américains furent choisis en fonction des sources, des images et témoignages disponibles, si les DVD sont supervisés par des historiens américains, il faut néanmoins bien préciser qu’il s’agit de la guerre vue par les Etats-Unis. Ainsi, les Soviétiques ne sont évoqués que lorsque les armées se rejoignent près de Berlin. Des communistes yougoslaves sont évoqués parce qu’ils cachent le soldat Westbrook. Il n’est pas fait mention de l’ouverture des camps de déportation également par l’Armée rouge, seule l’armée américaine est mentionnée, du moins dans la version française.
Présentant des images peu montrées ou inédites, comme la mise au repos obligatoire des pilotes américains en Grande-Bretagne, ou la signature de la capitulation japonaise sur l’USS Missouri, il s’agit néanmoins d’un coffret très bien réalisé et donc recommandé.