Xavier, mon ami, mon frère…
Beaucoup ici n’ont pas eu la chance de te connaître. D’autres, comme de plus en plus souvent, t’ont peut-être oublié. Ces mondes virtuels, sont d’une absolue cruauté. Tu es parti ce 11 mai par cette fin d’après-midi, après avoir lutté contre cette maladie insidieuse qui avait déjà emporté Corinne.
Nous étions amis, au-delà des possibles. Les coups du sort que tu avais subis nous avaient encore plus rapprochés. Le destin t’avait frappé cruellement déjà, mais tu avais su saisir la main que je t’avais tendue. Et tu avais trouvé en toi la force de rebondir.
Cette histoire, elle est liée à cette aventure collective, qui contient une part d’humanité que nul ne devra oublier. C’était en 2013, autour du site des Clionautes. Virtuose du codage et du développement, tu avais rénové le site, répondu présent à toutes les sollicitations, y compris lorsque la brutalité des échanges numériques te hérissait.
De 2014 à 2018, avec méthode, mais aussi avec cette capacité étonnante d’avoir des idées lumineuses, des fulgurances, pour trouver LA solution, le plus souvent inédite, tu as construit, développé, cette galaxie des Clionautes, héritage d’une histoire bâtie sur deux décennies de contributions.
Quand d’autres parlaient de ce qu’il fallait faire, utilisaient des éléments de langage, et des formules préfabriquées, tu restais dans l’ombre, mais surtout tu agissais.
En 2017, lorsqu’il a été question de changer totalement l’interface du site des Clionautes, tu as été capable, tout seul, de créer la bascule entre deux systèmes de générations complètement différentes. Et pour les 20 ans des Clionautes, tu étais là. Discret, taiseux comme tu savais le faire, tu avais fait la démonstration de ton savoir-faire, en faisant basculer, en quelques millisecondes, cet univers numérique.
Tu n’étais pas professeur d’histoire-géographie, mais de mathématiques. Avant cela tu étais ingénieur, mais l’amour t’avait conduit à sortir de cet univers pour choisir l’enseignement et construire une famille, autour de Corinne, et des trois filles merveilleuses qu’elle t’a données. Ce monde a éclaté, avec la maladie, déjà, et tu avais pu trouver la force de le reconstruire. Le destin a été cruel, encore une fois.
Discret, pas toujours accessible, tu étais pourtant un guerrier. Dans l’organisation parfois malveillante de l’éducation nationale, tu savais dire non, résister aux injonctions. Supérieur, et de très loin, à ces petits marquis de l’inspection, et leurs porteurs de valises, tu savais, d’une formule mathématique, les ramener à leurs insuffisances. À mes côtés, tu avais participé à la préparation des soldats au Concours de l’École militaire interarmes. Dans la même salle de cours, avec trois tableaux noirs, tu avais assuré trois préparations différentes en mathémathiques, maths appliquées et physique. Certains officiers s’en souviennent encore !
T’avoir connu, avoir compté pour toi, a été un privilège rare. Ton absence est une blessure, mais ta mémoire sera entretenue. Et ce qui restera comme ton « grand œuvre » sera poursuivi, j’en fais ici le serment.
Adieu mon frère.